RETROSPECTIVE
Lech Kowalski, dépasser les bornes
Du 15 avril au 15 mai 2009
Actif depuis la fin des années 1970, Lech Kowalski tisse une œuvre documentaire forte et indépendante, encore trop peu vue. La Cinémathèque propose une sélection de huit de ses films. Qu’ils explorent la marginalité et la marginalisation à New York (Gringo, Story of a Junkie, Rock Soup, Chico and the People), la scène punk (D. O. A.: A Right of Passage, Born to Lose, the Last Rock and Roll Movie, Hey is Dee Dee Home) ou, à la frontière de l’histoire et de l’autobiographie, la Pologne contemporaine (The Boot Factory, On Hitler’s Highway, East of Paradise), ils témoignent de l’amour du cinéaste pour les destins hors normes, et un cinéma libre de toute contrainte morale ou esthétique.
Mis à part Gringo peut-être, votre cinéma est documentaire. La mise en scène et la composition de l’image y sont très importantes. Pourquoi ce choix du documentaire et que signifient pour vous les oppositions fiction / documentaire, mise en scène / spontanéité ?
Chaque film retrace mon propre processus de découverte. La découverte de quelque chose dont je ne sais rien, au lieu de découvrir quelque chose que les gens pensent que je vais montrer. Que ce soient des émotions, des gens ou des situations, la position de la caméra est plus importante que n’importe quel autre élément dans un film. Bien sûr, la juxtaposition de scènes constitue l’histoire d’un film mais l’endroit où je place ma caméra reste la question la plus importante pour moi. Cela indique ma relation avec le sujet et avec moi-même. C’est ce qui m’angoisse le plus quand je filme. Ai-je pris la bonne décision ? Le hors-champ, c’est-à-dire montrer aussi peu que possible de ce qui se passe, est d’une grande importance pour moi. Je m’intéresse uniquement à l’interprétation de ce que je vois, et pas à la documentation de son intégralité. C’est pourquoi il m’est si difficile de travailler avec un opérateur caméra. Il ne s’agit pas de mauvaise ou bonne photographie mais de ma relation à l’instant qui est filmé. C’est cette relation à l’instant que j’étudie plus tard avec attention. Au moment du montage, lorsque j’organise les images en une histoire dotée d’une progression narrative, je décris également ma relation à ce que j’ai filmé. L’objectivité ne m’intéresse absolument pas. Je m’intéresse à l’excitation du moment. Comment un instant peut-il me parler de la vie au lieu de me fournir les éléments d’une intrigue ? L’intrigue est secondaire. Elle est essentielle pour que le public entre dans l’histoire, mais il existe toutes sortes d’intrigues. L’intrigue de ce qui va se passer ensuite ne m’intéresse pas. Où va-t-on ? Quelle est la connexion avec l’honnêteté par opposition à l’intrigue générale ? C’est pour cela que je construis mes histoires autour d’instants qui conduisent à l’instant suivant. Et, au final, je veux être émotionnellement satisfait du voyage mais pas uniquement à cause de la quantité d’informations véhiculées.
Plusieurs de vos films ont une dimension provocatrice, soit par leur sujet (drogue, marginalité, sexualité), soit par la façon dont ils ébranlent notre perception de ces réalités. Ils sont parfois perçus comme choquants, le plus souvent comme libres de tout jugement moral. Quelle est votre vision de l’éthique documentaire ?
Le politiquement correct ne m’intéresse pas. Sa valeur historique est très limitée. Les personnages marginaux sont plus proches de la réalité. Ils sont plus proches de leur perte. Les gens qui sont aux commandes de leur vie paient le prix fort. Le prix de perdre leur plus grande raison de vivre. Pour vivre, il faut risquer la mort. La mort a plusieurs aspects. La plupart des gens sont des morts-vivants. Ils vivent confinés dans leurs petites histoires. Tous les marginaux ne sont pas des héros mais, me frotter à eux me procure un vif plaisir. Ils me font réaliser que la vie vaut la peine d’être vécue… si on la vit. C’est de ce défi dont je veux parler dans mes films.
L’évaluation de la qualité d’un film est la manière dont il est perçu dans le futur. Je ne sais pas pourquoi mais j’ai toujours eu ça en tête en faisant des films. Dès mes premiers films. Les situations changent mais notre temps reste notre temps et, c’est autour de ce concept que je me bats. Pourquoi les choses sont telles qu’elles sont à mon époque ? C’est une question extrêmement complexe à laquelle je ne peux répondre. Ça me semble au-delà de mes capacités intellectuelles mais, peut-être que mes films, eux, y répondent. En tout cas, c’est mon pari.
De D.O.A. à Born to Lose, en passant par Hey is Dee Dee Home, la musique joue un rôle important dans vos films. Que signifient pour vous la musique et l’esthétique punk ?
Je ne filme que des histoires musicales avec lesquelles je suis connecté d’une manière esthétique. Le mouvement punk est une manière de penser. S’il n’avait jamais été inventé, je travaillerais quand même d’une manière punk. Ce n’est pas une approche philosophique, c’est une manière de survivre et par survivre, je veux dire de faire en sorte que les choses marchent pour toi plutôt que de t’intégrer. Tu crées un espace. Plus je travaille et plus cet espace s’élargit. Je me souviens lorsqu’il n’y avait pas d’espace du tout. Et maintenant, après toutes ces années, l’espace contient une œuvre mais, je pense que je n’y suis pas toujours. L’espace, ce n’est pas moi, c’est autre chose. Le travail lui-même constitue l’espace et je suis le visiteur intime de cet espace.
Votre plus récent projet, Camera War, est un blogue cinématographique (www.camerawar.tv). Vous y écrivez que la réalisation cinématographique traditionnelle ne peut plus exprimer la complexité de notre monde. Pensez-vous qu’Internet soit la solution ?
Camera War est ma façon de me connecter à un monde qui se situe bien au-delà de la compréhension. C’est mon seul défi […] Nous vivons dans une réalité post-documentaire, ce qui signifie que nous ne vivons plus dans un monde où il y a une possibilité d’explication. Nous sommes suspendus dans la réalité […] Camera War, c’est mon action. Cette action me fait découvrir des histoires que je veux raconter et auxquelles je n’aurais pas pensé si je n’avais été porté vers l’avant par Camera War. Camera War est ma communauté. C’est peut être la seule réalité post-documentaire dont je peux parler. Communauté. Il n’y a pas de communauté dans le sens traditionnel. J’ai donc créé un endroit où une communauté peut se retrouver […] Il s’agit d’imagination et de créativité […] Donner plutôt que détruire, ouvrir plutôt que fermer, donner de l’énergie, montrer des choses qui ne sont pas si évidentes et faire tout ça parce que les grosses boîtes à fric ignorent toutes ces choses.
Entrevue réalisée via Internet par Karine Boulanger, assistante à la programmation, et traduite de l’anglais. Le texte complet en anglais et en français est disponible sur le site de la Cinémathèque. Ce cycle est présenté en collaboration avec la Corporation Québec-Pologne pour les arts et le Consulat général de Pologne à Montréal.
More information http://www.cinematheque.qc.ca/affiche/kowalski.html
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Visions du Réél
Nyon, Switzerland
Lech Kowalski will present
Saturday, April 25 in Salle de la Colombière at 4.00 p.m. :
Camerawar
When the underground filmmaker Lech Kowalski goes onto the Internet: an eminently political interactive project that renews the documentary film genre.
Quand le cinéaste underground Lech Kowalski investit le Net: un projet interactif et éminemment politique qui renouvelle le cinéma documentaire
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Saturday, April 25 in Salle de la Colombière at 7.00 p.m.:
On Hitler's Higway
Voyager les yeux ouverts est un talent! Le long de cette autoroute, au hasard de rencontres, une forte géographie de vérités et d’illusions se déploie.
To travel with open eyes is a talent! Along this motorway, according to chance meetings, a strong geography of truths and illusions is deployed.
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Saturday, April 25, in Usine à Gaz at 11.30 p.m.:
An exceptional
CAMERA WAR Live Cinema Show
with composer Mimetic, VJ Boris Edelstein (modul8) and Lech Kowalski.
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Monday, April 27, Salle Uni, from 2.00 p.m.
DocWeb seminar – The documentary’s new web media
The DocWeb seminar will be an opportunity to discuss the following issues:
What are the specific characteristics and the different modes of documentary creation on the Internet? What challenges does it raise for writing documentaries? In what way is it renewing the traditional production models? Can it open up alternative dissemination channels?
With Lech Kowalski, director and Thierry Lounas producer of Camera War, Alexandre Brachet, in charge of the site upian.com and web producer of Gaza/Sderot, Joël Ronez, director of arte-tv, Arnaud Dressen, producer and Samuel Bollendorff, director of the web documentary Voyage au bout du charbon, Bruno Nahon, producer of Twenty Show Le film
http://www.visionsdureel.ch/en/film-market/evenements/docweb.html
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On Saturday April 4th at 20h at le 104 in Salle 200, will be screened
Gringo - The Story of a Junkie,
in English with french subtitles
A harrowing, bloody story of heroin addiction that puts films like Trainspotting to shame, Gringo mixes documentary footage with staged scenes to show the life of addict John Spacely.
Perhaps you've seen him somewhere and just can't remember his name. The face is about an enigmatic as they come: classic Roman features topped by a greasy dyed matt of slicked back blond hair, pirate-style patch covering his right eye and cigarette dangling from an ever-present smirk. Or maybe you've never really noticed him and could frankly care less who he is or was. To you, John Spacely is just another loser, a human being throwing their life away by indulging in the most shameless of self-satisfactions: drug abuse. The minute you learn he's a card-carrying member of the Riders of the White Horse, you're thoughts turn to how selfish and stupid he is, how addiction is for the weak and lazy. You now no longer wish to know anything about him, his life, or how he ended up strung out in New York City. Instead, you sneer down your self-righteous nose and blame him (and his kind) for all the problems of the world. Maybe it would help you to learn a little about who John Spacely is. Perhaps your perceptions will change when you learn what drove him to drugs and what he has to do on a daily basis to survive. One thing's for sure, the minute you see the horrifying docudrama Story of a Junkie, you will think twice about ever attempting to use drugs. This film is as successful a PSA warning about the terrors of dependency that you will probably ever see. It makes the Hollywood glamorization of such struggling souls that much more laughable.
Perhaps you've seen him somewhere and just can't remember his name. The face is about an enigmatic as they come: classic Roman features topped by a greasy dyed matt of slicked back blond hair, pirate-style patch covering his right eye and cigarette dangling from an ever-present smirk. Or maybe you've never really noticed him and could frankly care less who he is or was. To you, John Spacely is just another loser, a human being throwing their life away by indulging in the most shameless of self-satisfactions: drug abuse. The minute you learn he's a card-carrying member of the Riders of the White Horse, you're thoughts turn to how selfish and stupid he is, how addiction is for the weak and lazy. You now no longer wish to know anything about him, his life, or how he ended up strung out in New York City. Instead, you sneer down your self-righteous nose and blame him (and his kind) for all the problems of the world. Maybe it would help you to learn a little about who John Spacely is. Perhaps your perceptions will change when you learn what drove him to drugs and what he has to do on a daily basis to survive. One thing's for sure, the minute you see the horrifying docudrama Story of a Junkie, you will think twice about ever attempting to use drugs. This film is as successful a PSA warning about the terrors of dependency that you will probably ever see. It makes the Hollywood glamorization of such struggling souls that much more laughable.
GRINGO Story of a Junkie is about as close to pure European neo-realism as an American movie is ever likely to get. It is also a stunning example of the cinema vérité style of filmmaking, the capturing of events as they happen without concern about continuity or performance. Part documentary, part confessional, this occasionally brilliant but always brave movie is an incredibly searing indictment on the use and abuse of drugs.
Whereas Tinsel Town tripe likes to romanticize the ritualistic intake of mind and or mood altering substances as a photogenic character flaw, Story of a Junkie tells it like it really is. Never once white washing or trivializing the life of a heroin addict, director Lech Kowalski and his cast of real life drug users draw us directly into the warped urban war zone where the vast majority of pusher and partakers exist. Never cringing from the sights, the sounds, the smells and the surreality of the real drug culture, the desperation is palpable and the danger, predominant. From how fixes are "cut" to the hierarchy in a shooting gallery, you'll be hard pressed to find another film that tackles this terrible subject with more authenticity. It is drug abuse as slasher film, a frightening, sometime funny and often fatalistic representation of people living a life with a maniacal monkey on their back.
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Denis Coté -Montréal 1999
Autant prévenir tout de suite: Gringo - The Story of a Junkie est une véritable descente aux enfers. Sans concession, ni le moin-dre affleurement de bonne conscience, Lech Kowalski montre l'univers de la drogue dans ce qu'il a de plus cru, de plus insup-portable: l'aiguille lentement enfoncée dans le bras, l'insalubrité, la violence et même les vomissements du petit matin... Rien ne nous est épargné! Doublure de Johnny Thunders -trop compliqué à gérer selon le réalisateur - John Spacely, jeune homme borgne à la chevelure peroxydée, est le guide de ce voyage errant parmi les toxicomanes et les dealers. Toujours à la recherche d'un nouveau shoot, au rythme de musique hip hop, il nous entraîne dans les sombres bas-fonds du Lower East Side à New York. C'est là, dans une pièce située au rez-de-chaussée avec fenêtre sur rue, que les dealers préparent les petits sachets tant attendus, que les toxicomanes se retrouvent, jamais à l'abri d'un nouvel acte de violence. Mélange étonnant de scènes authentiques et de reconstitu-tions, annotées par la voix-off de John, Gringo - The Story of a Junkie regarde la réalité en face: celle d'une société en révolte, en fuite et menacée par le sida. Véritable drame dont la sponta-néité n'est pas sans rappeler le cinéma-vérité, ce film au regard impassible comme anesthésié par le désespoir, est une vérita-ble chronique d'une mort annoncée... survenue finalement dans Born to Lose où John Spacely se meurt devant la caméra, comme s'il ne pouvait échapper à son rôle d'éternelle doublure de Johnny Thunders.
Ateliers- Visions du réel
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